Steiner, un siècle après

Ces dernières années, l'image publique de la pédagogie Waldorf et consorts s’est considérablement dégradée. En 2011, « Die Zeit » faisait encore l'éloge de la pédagogie Waldorf, la qualifiant de « forge de bonnes personnes ». Aujourd'hui, on met en garde contre « l'occultisme obscurantiste ». Nous sommes désormais considérés comme non-scientifiques, voire dangereux. Les références à l'école Waldorf disparaissent des profils des médias sociaux, les parents doutent de leur choix d'école et la pédagogie Waldorf rencontre des problèmes d'effectifs autant pour les élèves que pour les enseignants. Certaines écoles se demandent si la pédagogie Waldorf en tant que concept directeur et la référence à Rudolf Steiner sont encore d'actualité. Ce n'est pas un phénomène nouveau - Steiner disait déjà : « Beaucoup de gens parmi nous s'efforcent de nier l'anthroposophie et de vouloir propager la pédagogie sans anthroposophie ; ils ne veulent pas que l'on remarque qu'il y a de l'anthroposophie derrière. Il y a un proverbe allemand qui dit : « Lave-moi la fourrure, mais ne me la mouille pas ». [...] on [devrait] dire aujourd'hui : il faut commencer par l'anthroposophie. Il ne faut pas la renier, il faut acquérir la connaissance de l'homme par l'anthroposophie ». (Rudolf Steiner, 12 Août 1924)

Le mouvement anthroposophique a besoin de deux réformes. Tout d’abord, en interne, une redécouverte des fondements permettant de raviver l’enthousiasme des parents de nos écoles et des collaborateurs des institutions anthroposophiques pour les idées de Steiner, afin de « parvenir à la connaissance de l’homme par l’anthroposophie ». Ensuite, (et c'est peut-être cela qui donnera aux écoles la capacité d'apporter de manière indépendante mais commune, une amélioration positive de leur image à l'extérieur) en réagissant de manière appropriée aux critiques justifiées et en réfutant de manière claire les critiques fallacieuses. Ainsi, les personnes devenues sceptiques ou hostiles à l'anthroposophie pourront à nouveau faire preuve de curiosité, d'ouverture et peut-être même de reconnaissance.

Mais alors, comment inverser la tendance ?

Je me suis récemment entretenu avec Felix, la vingtaine, ancien élève Waldorf et expert en médias sociaux. En marge de la conversation, il m'a raconté avec passion qu'il avait construit lui-même une cuisine et qu'il était reconnaissant de ses années à l'école Waldorf car il y avait appris à faire lui-même des choses pour lesquelles d'autres engageaient des professionnels. Parmi nous, les anciens élèves Waldorf, il n'y en a probablement pas un seul qui renie ces compétences manuelles et créatives que nous avons apprises, tout comme la sensibilité sociale, conceptuelle, structurelle, spatiale et artistique. Pour moi, ces compétences sont l'une des raisons pour lesquelles je travaille aujourd'hui efficacement (comme beaucoup d'autres anciens élèves Waldorf) pour un bon développement de l'être humain et de la Terre. Au sens figuré, ce sont les fruits et les fleurs de la plante semée il y a plus de 100 ans par Rudolf Steiner. Voilà où ma gratitude prend sa source.

Actuellement, des centaines de milliers d'enfants dans le monde fréquentent une école Waldorf. En outre, des millions de personnes profitent chaque jour des impulsions de Rudolf Steiner : que ce soit dans la pédagogie Waldorf, l'agriculture biologique, les cosmétiques naturels, la médecine intégrative, la pédagogie curative, l'économie durable ou la banque sociale. Sans l'inspiration de Steiner tournée vers l'avenir, ces domaines ne seraient pas devenus ce qu'ils sont aujourd'hui : Porteurs d'espoir pour une cohabitation entre l'être humain et la Terre adaptée aux générations futures. Pour tout cela, merci, Rudolf Steiner !

Ouvrez vos portes et vos cœurs !

Animés par cette reconnaissance, le prochain anniversaire de la disparition de Rudolf Steiner, le 30 mars 2025, nous offre l’opportunité de nous projeter ensemble vers les 100 années à venir. Si nous opposons à la partialité des médias l'abondance d'expériences et de rapports positifs, une image nouvelle et plus équilibrée se formera également dans le public. C'est le moment d'ouvrir à nouveau les portes et les cœurs – au sens littéral du terme. Si les écoles, les jardins d'enfants et les établissements anthroposophiques, les institutions et les entreprises ouvrent leurs portes au public le dernier week-end de mars 2025, les personnes intéressées pourront alors découvrir de près ce qu'il s'y passe réellement. Célébrations mensuelles, visites guidées, fêtes annuelles, marchés, conférences, expositions ou ateliers : Chacun peut concevoir des offres individuelles qui donnent un aperçu d'un événement vivant qui est bien plus que les clichés qui circulent actuellement.

Sous le slogan « Danke, Rudi! » (Merci, Rudi !), cette initiative du centenaire de la mort de Rudolf Steiner met à disposition du matériel utile pour toutes les institutions participantes. Outre une campagne de presse positive, nous prévoyons également un concours vidéo : qui créera la courte vidéo la plus créative et la plus diffusée sur le thème « Merci, Rudi !» ? Les récompenses seront des stages aux côtés d'anciens élèves Waldorf célèbres, des aperçus d'entreprises, des voyages et des concerts – tous issus de la communauté des anciens élèves Waldorf. Ainsi, un nouveau mouvement naîtra de la gratitude, écrira de nouvelles histoires et mettra en lumière des exemples positifs.

L’idée n’est pas d’opposer des arguments à l'image déformée véhiculée par les médias, mais bien d’inviter le monde à se faire sa propre idée. Nous voulons montrer comment, en ces temps de multi-crise sociale, les « posophes » peuvent participer de manière positive à l'organisation de la société, apporter une contribution utile et, grâce à l'inspiration de Rudolf Steiner, des perspectives d'avenir. Ainsi, le regard sur le passé se transforme en un élan vers l’avenir, permettant à l’anthroposophie de redevenir un mouvement porteur pour les 100 prochaines années, nourri par la gratitude, l’ouverture et le courage de poursuivre l’écriture de notre histoire.