Souvent réalisées in situ, les œuvres de Jean-Michel Othoniel tiennent compte de l’environnement dans lequel elles prennent place. Cet artiste plasticien né en France en 1964 travaille le verre depuis des années, et cela fait longtemps que la roche obsidienne le fascine par son caractère hors du commun. L’obsidienne, roche née de la vitrification de la lave, revêt simultanément un aspect de pierre et de verre, elle est en même temps opaque et translucide, présente et absente. Profondément noire, sombre, elle laisse parfois échapper une lumière rougeâtre depuis ses profondeurs.

Image tirée de l’Obsidiana, livre d’artiste de J-M Othoniel. Jean-Michel Othoniel ©2017 Othoniel / ADAGP, Paris

Othoniel, dont la marque de fabrique est les formes rappelant des colliers de perles de verre géantes, aborde un nouveau registre avec ce travail. Obsidiana, paru chez Actes Sud en juillet 2017, donne à voir la beauté particulière de cette roche à travers cinq de ses œuvres. L’ouvrage retrace l’histoire de ces obsidiennes sculptées, que Jean-Michel Othoniel a d’abord extraites en Arménie avant de les travailler et exposer au Goetheanum durant l’été 2015. En réalité, il s’agit ici de quelque chose de plus que de simples blocs de pierre taillés placés dans un environnement visuellement agréable. L’artiste semble y avoir redécouvert les joies de la matière, la corporéité du monde, car c’est toute une symphonie visuelle qui est née lors de l’exposition. L’obsidienne, révélée par Othoniel, les socles sur lesquels les sculptures reposent, réalisés en bois de châtaignier par les artisans de l’atelier de menuiserie du Goetheanum, les courbes du bâtiment du Goetheanum, inspirés des plans de Rudolf Steiner, les ombres qui s’y forment et la lumière du jour qui y pénètre, tantôt par les fenêtres, tantôt par les vitraux, tous se rencontrent dans une poésie visuelle.

En tenant l’ouvrage entre nos mains, nous accédons à l’expérience de cet événement. Obsidiana nous conduit même plus loin: c’est une œuvre d’art en soi. Il rassemble, sous la direction de l’artiste, des photographies de qualité qui saisissent la lumière touchant la surface des sculptures de Jean-Michel Othioniel ou naissant d’elles-mêmes. Ou encore lorsque, pénétrant dans le Goetheanum, elle se pose sur le bois et le béton ou se colore en traversant les vitraux. Son cadrage nous plonge tantôt dans la qualité de la roche, ses veines, sa surface travaillée, tantôt nous donne une impression générale des volumes de l’espace où se trouvent les sculptures, nous permettant alors de percevoir les rapports qu’elles entretiennent avec le bâtiment. Le soin va jusque dans la conception du livre. Malgré son petit format, nous sommes sensibles aux subtilités de la photographie. La typographie et la forme originale du livre accompagnent les courbes des sculptures d’Othoniel et l’aspect sculpté du Goetheanum.

Grâce aux textes de Johannes Nilo, directeur du Centre de documentation du Goetheanum et de Lawrence Rinder, directeur de l’UC Berkeley Art Museum & Pacific Archive, nous sommes plongés dans l’univers de l’artiste. Ils nous aident à comprendre le lien entre Othoniel et l’anthroposophie, celui de l’œuvre d’art matérielle-idée, vision de l’art que Rudolf Steiner esquissa notamment dans la conclusion de son livre Une théorie de la connaissance chez Goethe. Les sculptures d’Othoniel ont en effet une capacité de nous raconter des histoires. Obsidiana est un livre d’artiste qui nous ouvre une fenêtre sur l’expérience sensorielle de la matière.

Daniel Infanger (1,2) ©2017 Othoniel / ADAGP, Paris.
Image tirée de l’Obsidiana, livre d’artiste de J-M Othoniel. Daniel Infanger (1,2) ©2017 Othoniel / ADAGP, Paris.
Daniel Infanger (1,2) ©2017 Othoniel / ADAGP, Paris.
Image tirée de l’Obsidiana, livre d’artiste de J-M Othoniel. Daniel Infanger (1,2) ©2017 Othoniel / ADAGP, Paris.

Jean-Michel Othoniel, artiste pluridisciplinaire travaillant aussi bien dans le registre de la sculpture et de l’installation, que de la photographie et de la performance, est né le 27 janvier 1964 en France. Diplômé de l’École Nationale Supérieure d’Arts, Cergy-Pontoise en 1988, il réalisa ensuite sa résidence à la Villa Médicis, Rome, en 1996. Othoniel possède aujourd’hui une liste impressionnante d’expositions collectives et personnelles dans les coins divers allant des États-Unis à Corée du Sud, de Turquie à Argentine. Il est représenté par la Galerie Perrotin et Kukje Gallery.


J. – M. Othoniel, Obsidiana, texte de L. Rinder, préface de J. Nilo, ouvrage en français et anglais traduit par J. Orsonni et C. Penwarden, Ed. Actes Sud, 2017. 96 p.