Au Brésil, la césarienne, nécessaire ou pas, mais si rapide et rentable, est le mode d’accouchement classique. Les femmes redoutent souvent l’accouchement naturel pris en charge par des médecins qui n’y sont pas formés, dans un contexte hospitalier où domine souvent l’intervention médicale au détriment de l’accompagnement humain. Les hôpitaux publics eux-mêmes manquent de matériel et de personnel. Ils sont aussi trop peu nombreux, particulièrement pour les femmes des favelas sud de São Paulo, obligées d’aller d’un hôpital à un autre pour accoucher. Cette situation n’est pas sans conséquences : non seulement on déplore un taux de mortalité maternelle élevé, mais la violence obstétricale peut porter atteinte à l’estime de soi, au lien mère-enfant et à l’allaitement. Elle favorise la négligence envers le bébé, les conflits entre partenaires et fragilise les structures familiales…
Dans les années 1980, une sage-femme venue d’Allemagne, Angela Gehrke da Silva, rejoint la communauté de Monte Azul, une association communautaire d’inspiration anthroposophique organisant des soins de santé et d’éducation au sud de São Paulo. Touchée par la situation des femmes qui ne trouvent pas de soins adéquats, Angela Gehrke propose des suivis de grossesse, d’accouchement et de post-partum dans le cadre de la clinique ambulatoire médico-thérapeutique de l’association. La nouvelle se répand vite et cette offre de soins humains attire de plus en plus de personnes, traversant la ville, atteignant les quartiers riches, d’où viennent même des femmes pour accoucher dans la favela.
Angela Gehrke cherche aussi à renforcer l’autonomie des femmes, à les rendre protagonistes de cet événement et de leur vie, à éveiller dans les familles le respect du miracle de la naissance. En presque 15 ans et jusqu’à son décès en 2000, elle a accompagné plus de 1 500 accouchements avec un très faible taux d’intervention médicale et aucun décès maternel ou néonatal. Elle a aussi participé à de nombreux mouvements et réseaux pour favoriser l’humanisation de l’accouchement, et est devenue une référence au Brésil, invitée à des séminaires dans de grands hôpitaux.
En 2003, sur la base de ce travail réalisé par Angela Gehrke, l’association de Monte Azul développe un projet de maison de naissance, en partenariat avec le Secrétariat municipal de la santé. C’est la naissance de la Casa Angela. Lorsqu’elle est inaugurée en 2009, elle propose une clinique prénatale et de soins aux enfants, ainsi qu’une clinique d’allaitement. Ses activités sont dores et déjà très diverses : services de consultation et de visite à domicile pour le suivi prénatal et postnatal, station de collecte de lait maternel, groupes de soutiens, cours et ateliers pour femmes enceintes et parents, conseils en planning familial, activités d’éducation sexuelle pour adolescents de la communauté… En 2012, le centre de naissance vient compléter l’offre de la Casa Angela. Il est ouvert 24h/24 et accueille tant des personnes bénéficiant du système de santé publique (SUS) que des patients privés.
Aujourd’hui, la Casa Angela est une référence nationale en sa qualité de centre pour l’accouchement naturel et un lieu d’enseignement pour les sages-femmes – permettant un renouveau de la profession qui avait été supprimée dans les années 1980. Prenant cet exemple, plusieurs villes ou États ont adopté des lois contre les violences obstétricales. De nouvelles maisons de naissance s’ouvrent ou se construisent.
Source des images : Casa Angela
Discussion pour membres