Qu'entendons-nous par durabilité ?

La durabilité ou le développement durable est une discipline récente qui a été institutionnalisée au niveau mondial au cours des quarante à cinquante dernières années. Au départ, elle consistait à utiliser les « ressources » de manière à préserver leur régénération naturelle. L'exemple classique provient de la sylviculture ou de la pêche : abattre uniquement autant d'arbres que ce qui peut repousser, ou capturer seulement autant de poissons que ce que l’espèce peut regénérer. Le fait de garder l'avenir à l'esprit dans nos actions est également appelé « aptitude pour les générations futures ». Le développement durable englobe, dans son modèle classique, trois dimensions principales : l'écologie, le social et l'économie. Par exemple, le changement climatique a une dimension écologique et sociale, car de nombreuses personnes vivant sur les côtes doivent quitter leur foyer. Naturellement, des conséquences économiques s'y ajoutent également. Ces trois domaines sont donc étroitement liés : nos actions deviennent « vivables » lorsqu'elles sont à la fois sociales et écologiques, « viables » lorsqu'elles sont écologiques et économiques, et « équitables » lorsqu'elles sont sociales et économiques. Lorsque ces trois dimensions (équité, viabilité et vivabilité) sont réunies, alors elles sont durables.

Il n'en est guère question aujourd'hui

Il s'agit donc de transformer l'économie, la vie sociale et la vie écologique. Il y a de nombreuses solutions et modèles, des technologies sophistiquées. Nous pourrions donc en réalité vaincre la pauvreté, le manque de nourriture, nous pourrions endiguer la dégradation du climat, la disparition des espèces, mais cela ne se produit pas. C'est là que se situe cette lacune fondamentale dans l'action, ce Mind Behavior Gap [fossé entre l'intention et l'action]. Nos actions sont différentes de notre conscience. Comprendre quelque chose, le voir sous nos yeux, ne nous permet pas encore d'agir. Cela conduit les chercheurs en durabilité à parler de durabilité comme d'un espace intérieur – là où se fondent nos valeurs intérieures. C'est précisément là que doit intervenir la transformation.

Déjà présente au sein du pionnier de la durabilité, le Club de Rome1 (un regroupement mondial de personnes engagées dans l'écologie et d'hommes d'affaires au début des années 70), on retrouve depuis peu cette idée : nous avons besoin de plus que de solutions techniques. Nous avons besoin, nous le reconnaissons clairement aujourd'hui, d'une dimension spirituelle de l'être humain, afin de comprendre pourquoi, malgré le discernement, nous ne changeons pas nos actions. De nombreux militants écologistes parviennent à cette conclusion. Paul Kingsnorth, par exemple, a déclaré en 2018 qu'il n'avait jamais pensé qu'il défendrait un jour publiquement l'idée que la crise écologique était en fin de compte une crise spirituelle et que tout le reste n'était que symptôme. En d'autres termes, il s'agit d'une crise du « connais-toi toi-même », où la relation avec soi-même, avec les autres et avec le monde et l’environnement est construite et vivifiée, au lieu d'être démantelée et remise en question.

Ce caractère intérieur du développement durable a-t-il atteint les universités ?

Oui. L'université de Harvard ou celle de Stockholm ont contribué à l'élaboration des Inner Development Goals [Objectifs de Développement Intérieur]. Ils définissent les domaines que nous devons transformer intérieurement et parlent de « being », c'est-à-dire être, « thinking » [penser], « relating, collaborating » [ressentir] et « action » [vouloir]. C'est cette quadripartition que nous devrions transformer et développer. Je trouve intéressant que l'avant-garde de la science de la durabilité en arrive à ce point. Nous ne parvenons pas à la transformation extérieure sans transformation intérieure. Cela est connu depuis Aristote et sa théorie des vertus, et l'on retrouve cette idée au temple de Delphes : « Connais-toi toi-même » (développement durable intérieur) et « Rien en excès » (développement durable extérieur).

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