Quelle est la situation actuelle ?

Georg Soldner : Au vu des nombreuses personnes malades et qui ont succombé, nous devons agir, nous les médecins et les responsables politiques, et ce même si nous n’en savons pas encore beaucoup, ce qui du reste n’est pas rare en médecine. Il faut reconnaître ce déficit de connaissances et de compréhension, même au sein du mouvement anthroposophique, évidemment. Je suis souvent surpris par l’assurance avec laquelle on juge les vaccins, assurance que je n’ai pas, alors même que je vaccine et m’implique depuis des décennies dans la vaccination. Nous apprenons actuellement à comprendre les choses, c’est un processus qui exige expertise et ouverture.

Que signifie le fait que de nombreuses personnes soient maintenant vaccinées ?

Le fait crucial, c’est que les complications sévères et les décès deviendront beaucoup plus rares. Cet espoir est fondé pour les personnes vaccinées, en particulier les personnes âgées. Mais nous ne savons pas combien de temps durera cette protection. Elle sera peut-être plus faible face aux variants. Sur le plan écologique, la vaccination elle-même fait pression sur le virus pour qu’il mute. Nous devons également considérer qu’il est probable que des personnes vaccinées puissent transmettre le virus, même si les données actuelles suggèrent que la chose est beaucoup moins fréquente que chez les personnes non vaccinées. Nous allons devoir faire face à ce virus longtemps, et dans le monde entier.

Quelles sont les réactions à la vaccination ?

Les vaccins à base de vecteurs viraux et à ARN messager s’avèrent moins bien tolérés. Les jeunes réagissent plus fortement à la vaccination, ils témoignent de douleurs, de fatigue et d’états fébriles. L’organisme est en effet stimulé pour produire la protéine S du coronavirus, ce qui pousse le système immunitaire à contre-réagir et à forger une immunité. Cette réaction est généralement plus vive chez un organisme jeune. Les données d’une clinique berlinoise dont le personnel a été vacciné sont les suivants : 36 % des personnes vaccinées se sont senties malades plusieurs jours et 12 % ont déclaré ne pas pouvoir travailler pendant une courte période. Les tests d’homologation ont permis de constater des réactions similaires. Ces réactions sont généralement aiguës et disparaissent au bout de quelques jours. Toutefois, si l’organisme est déjà affaibli, le vaccin peut aussi durablement l’ébranler. Les experts conseillent donc la prudence, surtout dans le cas de personnes très âgées et fragiles. La section médicale préconise de toujours vérifier si les personnes sont suffisamment en bonne santé pour recevoir le vaccin.

Quel cours va prendre la pandémie ?

En ce qui concerne la pandémie, nous devrions nous fixer un objectif et moins nous concentrer sur les chiffres quotidiens : le vaccin offre une perspective précieuse aux personnes pour lesquelles la COVID-19 représente un risque élevé en raison de leur âge ou de comorbidités. Nous devrions également reconnaître au sein du mouvement anthroposophique que la vaccination nous permet de protéger les personnes d’âge avancé contre les conséquences graves, voire mortelles, de la maladie. Toutefois, la souveraineté, la liberté et la dignité de chaque individu restent dans notre société des valeurs essentielles. C’est pourquoi la décision de se vacciner doit être libre et ne doit pas être compromise par un système d’obligations vaccinales indirectes. Notre objectif doit être de rendre la maladie moins dangereuse, y compris les pathologies qui lui sont liées. La vaccination et un traitement intégratif adapté incluant des remèdes anthroposophiques sont essentiels pour y parvenir. Si nous réussissons, la pandémie sera différente et nous n’aurons plus d’unités de soins intensifs surpeuplées ou des images comme celles de Bergame.

Quant aux enfants, ils se sortent pratiquement toujours bien de la COVID-19. Ainsi, si les jeunes contractent la maladie la plupart du temps sans qu’on le remarque et s’immunisent ainsi, nous disposons d’une autre base pour surmonter la pandémie à long terme. Si les enfants ont des grands-parents à risque, ceux-ci peuvent se faire vacciner. Nous ne devrions pas empêcher toute une génération d’adolescents d’être immunisés naturellement et les immuniser ensuite au motif qu’ils représenteraient un danger pour les autres, avec un vaccin dont la sécurité à long terme n’a pas été testée et qui peut être mal toléré. Je pense que c’est contraire à l’éthique. Des études montrent en outre que les jeunes enfants et les élèves d’âge scolaire infectent rarement les adultes, probablement parce qu’ils émettent des doses plus faibles de virus. Nous devons libérer les enfants pour qu’ils ne soient plus les otages de la santé des générations plus âgées, qui peuvent après tout se faire vacciner. Aux Philippines, les nourrissons doivent porter le masque, les enfants ne sont pas autorisés à fréquenter les lieux publics et toutes les écoles sont fermées. Pauvres pour la plupart, ces enfants sont privés de leur enfance ! Lorsque des personnes font l’objet d’une politique de protection qui leur retire des droits essentiels sans que leur santé soit menacée et sans preuve qu’elles mettent d’autres personnes en danger, c’est une injustice.

Comment continuer à vivre avec la pandémie ?

Nous apprendrons à vivre avec le virus à l’échelle mondiale et sur le long terme, il ne va pas disparaître rapidement. Mais la principale charge de morbidité de l’humanité est constituée par les maladies chroniques non infectieuses : 55 millions de citoyens américains devraient être atteints de diabète d’ici 2030 et les chiffres en Inde devraient doubler, passant de 72 à 134 millions de diabétiques entre 2017 et 2025. Ces maladies chroniques à la progression pandémique ont un dénominateur commun : elles dépendent d’un mode de vie orienté vers la consommation matérielle et créent une charge de morbidité incontrôlable que la jeune génération doit porter. La fixation sur la COVID-19 nous fait oublier tous ces problèmes médicaux ainsi que les maladies corollaires nées de la pandémie, comme la dépression chez les jeunes. Nous relèverons le défi si nous apprenons à voir dans ce tournant écologique un tournant qui est aussi médical et si nous orientons consciemment nos modes de vie vers la santé, la créativité artistique, l’activité spirituelle, l’engagement social et donc vers des valeurs non matérielles. Nous le ferons si nous percevons la réalité du spirituel chez nos semblables et en chaque être vivant et que nous agissons en conséquence. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons prévenir de futures pandémies.

Que dire de la dimension spirituelle de la pandémie ?

Comprendre sa dimension spirituelle signifie avant tout être présent auprès des malades et des morts, avec leurs souffrances, leur fin de vie. C’est de là que vient le sérieux, mais aussi le courage et la confiance. Le message est que ce qui compte, c’est notre attitude, notre solidarité concrète, notre écoute attentive de ce que l’autre perçoit et notre vigilance à discerner si nous sommes nous-mêmes perçus comme utiles. Toute société qui veut s’attaquer au virus a besoin de groupes de parole, de forums citoyens dans lesquels les voix des différentes générations et de la société civile se rassemblent et discutent de façon détaillée de ce qu’il faut faire, jusqu’à ce que l’on prête foi à l’engagement de l’autre. La simplicité fait alors place à la diversité. Pour moi, la spiritualité en lien avec la COVID-19 se manifeste moins dans les explications spirituelles souvent bien connues que je donne, mais plutôt dans l’imagination morale que nous développons pour en sortir autrement que nous sommes entrés dans la crise. Orientons-nous vers ceux pour qui Rudolf Steiner a engagé toute sa vie : les enfants. Encourageons leur développement, pensons de manière cohérente au monde que nous voulons leur transmettre. Ne mettons pas en danger l’avenir de nos enfants, mais l’inverse !


Traduction : Jean Pierre Ablard

Image : ÆTHER