"Si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne l'opprimerez point. Vous traiterez l'étranger en séjour parmi vous comme s’il était l’un des vôtres; vous l'aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d'Egypte. Je suis l'Eternel, votre Dieu.…" (Lévitique 19:33-34f)

Qui est étranger en Terre Sainte ? La réponse à cette question est décisive. On consacre beaucoup de temps, d'énergie et d'efforts à déterminer qui a droit à la terre d'Israël/Palestine, au motif qu’il y était le premier, qu’il y appartient le plus et que ses liens à cette terre sont les plus forts. Ce faisant, il est possible d’orienter l'argumentation du point de vue de la personne à convaincre : arguments religieux, historiques, culturels, politiques, tout est possible, tout semble pouvoir être prouvé.

Tout le monde est étranger...

Or, si nous nous penchons sur les textes religieux, il y a partout, côtoyant des grandes déclarations martiales, des commandements concernant l'amour du prochain, des étrangers et des ennemis. Ne devrait-on pas tout simplement agir en conséquence ?

Un participant à un groupe de voyage a dit un jour, après ses premières impressions de la vieille ville de Jérusalem, sa surprise de constater qu'en fait, l'intégration s'y passait plutôt bien[1]. Cet étonnement, nous en avons l’habitude : on s'attend à ce que que tout le monde s'oppose à longueur de journée, se fasse la guerre, se combatte avec violence, mais on est vite surpris, et de manière tout à fait réjouissante, car il existe effectivement un quotidien assez paisible, un statu quo... mais qu’en est-il de l'intégration ? Qui doit s'intégrer ici ? Et chez qui ? Les Palestiniens chez les Israéliens ? Les Israéliens chez les Palestiniens ? Autant de préjugés postcoloniaux...

Si quelque chose paraît étranger, c'est justement l'autre, l'étranger.  Ce que je ressens, c'est que je peux me sentir chez moi, que je suis au bon endroit. Mais aussi que l'étranger me menace en permanence. La Torah enseigne aux juifs qu'ils ne doivent pas opprimer l'étranger. Ils ont eux-mêmes été des étrangers en Égypte, ils connaissent suffisamment cette expérience, jusqu’au cours des millénaires suivants. Et même s'il existe des commandements visant à coloniser la terre promise par Dieu, cela reste une exigence morale relevant du fait d'être élu : l'étranger dans le pays est sacré, aime-le comme toi-même, ne l'opprime pas !

Si, au cours des mois qui ont précédé la guerre en Israël, il a toujours été question de préserver institutionnellement l'État de droit, la séparation des pouvoirs et les libertés menacées par le gouvernement populiste de droite pour des motifs fallacieux, tous les manifestants ne voulaient pas les mêmes droits pour tous dans l'ensemble des terres dominées par le pouvoir israélien : pour de nombreux citoyens épris de justice, la campagne contre le démantèlement de la séparation des pouvoirs a été l'occasion d'y réfléchir. Ils ont inclus dans leurs revendications la lutte pour l'égalité des droits de tous les citoyens - et surtout de ceux des territoires occupés depuis 1967 qui n’ont pas ce statut. D’autres ont considéré que c'était aller trop loin, compte tenu de la crainte que ces territoires ne continuent de générer des menaces aiguës pour la sécurité du “noyau” du pays central. Mais malgré les préoccupations sécuritaires (qui se sont révélées cruellement exactes peu de temps après), de nombreux déséquilibres dans le paysage juridique sont devenus de plus en plus insupportables. Ils ont été mis en évidence dans le cadre des manifestations pour les droits civils et la démocratie : Comment manifester pour un État de droit alors que tant de personnes dans le pays sont des « étrangers » qui ne jouissent pratiquement d'aucun droit ? Et les Palestiniens d'Israël, qui, dans l’ensemble jouissent formellement  des mêmes libertés, font-ils vraiment partie de ce pays - ou sont-ils un mal nécessaire à l'égard duquel nous devons rester méfiants, car nous restons pour eux aussi les « étrangers » qu'ils souhaitent peut-être secrètement voir partir très loin ? Tout comme nous aimerions être entre nous ? Y a-t-il une réelle égalité ou des discriminations structurelles ?

Rencontres en terre galiléenne. Crédit image: Ilse Wellershoff-Schuur

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